Trip-Hop.net : Hello, en préambule, commençons par les présentations...
D : Djohn avec un D, comme DJ, mais comme je n'aime pas DJ, c'est Djohn tout simplement... je m'occupe essentiellement du scratch, lance quelques samples et parle au micro tant bien que mal...
LC : Lary Coon, je gère le contrôle ordinateur, donc j'envoie des samples aussi, quelques effets sur les scratches de Djohn, et tout ce qui est claviers et basses.. Et en amont, je compose pas mal, avec Rok notamment (qui n'est pas là ce soir).
Trip-Hop.net : J'ai vu que vous avez échangé vos postes à un moment durant le set...
LC : Oui ! C'est parce qu'une fois je me suis essayé au scratch avec les platines de Djohn, et c'est ce qu'on appelle du babyscratch : il n'y a que la main gauche qui travaille, pas la main droite, parce que je suis une quiche du scratch tout simplement (rires), je ne sais pas en faire ! Mais il y a plein d'effets sur le scratch qui passent assez bien, donc on échange une fois, mais pas deux pour l'instant...
Trip-Hop.net : Vous nous avez fait une petite frayeur avant le live...
D : C'était chaud ! On est arrivés aux balances, mon matos ne marchait pas, je pensais que c'était mon cerrato (un émulateur de vinyles). Finalement, c'était la platine... On est allés jusqu'à Nancy pour en chercher une, mais aucun magasin n'en vendait, donc heureusement, un pote à nous avait le contact d'un gars... qui tient une boîte... qui nous a loué une platine... En revenant, on était sur la même route que les festivaliers, trois heures pour revenir, un truc de ouf... Heureusement qu'on ne jouait qu'à 22 heures... Du coup, pas de balances, mais sur scène, ça a fonctionné !
Trip-Hop.net : La scène est votre lieu de rencontre, c'est là qu'est née votre formation ?
D : Avec Larry Coon, oui. On avait un pote commun : je faisais partie d'un groupe de jazz avant, où je faisais du scratch avec des musiciens. Un jour, le clavier du groupe me dit : "j'ai un pote qui fait de la musique electro, je te le présente". Larry Coon faisait l'intro et l'outro d'un des concert qu'on organisait, on s'est retrouvé sur le même plateau sans répétition, totale impro, genre freestyle, beaucoup de jazz et beaucoup de drunk...
LC : ... Et on a bien accroché au niveau de la musique, et au niveau des conneries sur la fin de la soirée aussi... On a donc monté ce groupe et mon pote d'enfance Rok, avec qui je faisais déjà un peu de son électronique, nous a rejoint un ou deux mois plus tard.
Trip-Hop.net : A partir de là, comment avez-vous travaillé ensemble ?
D : On a d'abord bu des bières...
LC : Il y a une influence de base qui est restée un petit peu (rires), mais pas trop, sinon ça ne peut pas fonctionner... En fait, c'est un collègue qui nous a motivés parce qu'il y avait un tremplin jazz à faire. On a donc composé un live d'une demi-heure en un mois... Euh, le contenu n'était pas exceptionnel ! Ça partait vers la drum'n bass, ça redescendait en hip hop... J'avais fait toute la compo électronique, et on avait calé les scratches de Djohn par dessus... Petit à petit on s'est dit qu'on allait faire plutôt des morceaux calés... Je les bosse donc en amont, Rok vient ensuite chez moi pour qu'on les retravaille ensemble ; suivant les parties, on arrange, et quand on a une base à peu près potable, Djohn vient, donne des idées de scratches, ou scratche parfois des éléments qui sont dans la compo. Enfin, on retouche un peu à tout jusqu'à ce que ça nous convienne...
Trip-Hop.net : En catégorie electro swing sur le programme JDM : la question du style de musique revient souvent dans vos interview, j'ai l'impression...
D : Electro-swing ? On a trois ou quatre morceaux qui s'apparente à ce style là... Après, c'est arrivé un peu par hasard : au moment où on a composé, l'électro-swing se mettait un peu en route aussi... Ce n'était pas vraiment voulu.
LC : Quand tu prends nos morceaux sur internet, les plus diffusés sont electro swing... L'un parce qu'on a fait un clip (Andrew's Break), l'autre qui s'appelle Jump For Swing avec un sample de Louis Armstrong... Tu ne prends pas un risque énorme quand tu as un sample de Louis Armstrong... Forcément, ça marche pas mal ! On a aussi le remix de Ray Charles, The Right Time To Let Yourself Go, qui marche assez bien en live aussi, moins swing, plus blues... (songeur) Est-ce qu'on va l'appeler electro-blues ?
Trip-Hop.net : En même temps, même sur des titres dits electro swing, votre musique va chercher aussi un côté plus ténébreux, plus breakbeat...
D : Oui, ça change de tempo...
LC : J'ai toujours adoré des groupes comme Noisia ou autres, qui font des basses qu'on n'arrive pas forcément à faire, car très difficiles, et par manque de talent aussi... Mais progressivement, on en rajoute car on s'améliore... Et on aime cet électro un peu plus sombre !
D : Et là, on n'est plus dans l'electro-swing ! On est dans l'electro fourre-tout avec les samples qu'on aime, des rythmes comme on a envie que ça sonne, un gros bordel musical, quoi...
Trip-Hop.net : Un maxi ShowBreaks, puis l'album de 2011, Morphism : vous avez sorti un EP 2 titres il y a quelques jours...
D : Oui, Eastern-Western, deux tracks qu'on a mises en téléchargement gratuit sur soundcloud. Et on pense sortir un quatre titres à la rentrée. En fait, on a plein de sons, des musiques quasiment prêtes...
LC : On a pas mal de samples de 1 minute 30, 2 minutes, qu'on ne finit pas pour diverses raisons... L'autre jour, j'ai fait un CD pour écouter où on en était et il y en avait carrément pour 1 heure 20... Au départ, tu es sur un morceau, tu aimes bien, ça te plaît, c'est entraînant ; mais après, si tu veux le sortir vraiment, il faut qu'il soit chiadé... Et ça demande beaucoup de taf. Et si en plus, tu veux ajouter des scratches dessus de manière cohérente... Finalement, quand tu fais du sample pour le plaisir de faire du sample, tu ne fais que des débuts de morceau ! L'idée, c'est un jour de les finir ! Donc, en ce moment, on est en train de les finir...
D : On en mélange aussi ! Ca prends du temps de sortir un disque : ce qu'il faut savoir, c'est qu'on a tous les trois un travail, on ne vit pas du tout de la musique, c'est un plaisir. On bosse toute la semaine, et le weekend, on a la chance de pouvoir être en concert grâce au booking de Jarring Effects. Il faut donc qu'on trouve le moment, après le travail, le soir, pour composer, mixer, masteriser...
LC : On aimerait en sortir plus, mais le temps a passé. Du coup, on a sorti ces deux titres là, en se disant qu'ils allaient bien ensemble... On va rester sur du format relativement court, parce que c'est plaisant de pouvoir sortir ton son dès que tu l'as fait. Quand on a sorti Morphism, certains tracks dataient d'un an et demi ! C'est hyper frustrant ! Si tu fais des 2 ou 4 titres, il y aura forcément moins de médias, mais tant pis... Quand ça ne marchera plus, qu'on nous jettera des cailloux, on fera un album ! (rires)
D : En plus, ça nous sert à la préparation du live, c'est aussi un travail de répétition... Ca nous fait kiffer de jouer devant les gens, tant que les gens kifferont aussi, ma foi...
Trip-Hop.net : C'est ce que j'ai remarqué pendant votre set : j'ai vu des personnes danser comme des dingues, se contorsionner devant moi...
LC : Je t'avouerai qu'on était un peu stressés déjà avec notre galère de la journée, et il n'y avait pas l'air d'avoir grand monde qui venait vers la Cabane du Jardin, euh... comment c'est déjà ?
Trip-Hop.net : La Cabane au fond du Jardin du Michel ? Qui n'est pas vraiment au fond du jardin d'ailleurs...
LC : Oui, c'est ça (rires), qui est plutôt au niveau des bars... On a déjà joué dans un contexte comme celui-là : soit on a de la chance, car il y a des reprises de samples et ça accroche, soit le public n'accroche pas du tout, car la programmation n'est pas vraiment electro ce soir (ndr : interview réalisée sur fond de concert des Offspring particulièrement en forme)... On avait un peu les chocottes !
Trip-Hop.net : Pour en revenir à votre EP, il y a un remix d'Ennio Morricone : il fait partie des musiciens incontournables qu'on aime retravailler ?
LC : L'histoire du sample, c'est que, il y a au moins dix ans, Rok avait fait un remix de ce morceau d'Ennio Morricone, plutôt hardtek, hardcore - Rok et moi on mixait en teuf avant, c'était un peu différent comme style (rires). On a décidé de le remettre au goût d'AlgoRythmik, et du coup, il s'inscrit bien dans la ligne electro-swing, assez jazz, avec le piano... Et l'instru est super quand même... On l'a appelé remix, car on a suivi tout le morceau (même si on l'a un peu redécoupé), mais on n'a pas pris juste un petit extrait.
Trip-Hop.net : Vous pouvez nous parler de la cover de l'EP ?
LC et D (en choeur) : Ahhhhh !
D : C'est un pote grec qui s'appelle Kanellos, un artiste de fou que j'ai eu l'occasion de rencontrer par le biais d'une amie... J'ai un tableau mortel de lui chez moi ! On avait envie de bosser avec lui pour cette cover. Alors on s'est fait un skype France-Grèce, on lui a envoyé les morceaux avec quelques idées sur le type de choses qu'on voulait : un visage, plutôt une femme car on a des voix féminines sur les morceaux. Il nous a dit "je filme aussi pendant que je dessine pour mes archives, je vous envoie un petit teaser !". On a halluciné sur le dessin, et à l'unanimité, on a dit ok !
LC : On pense que c'est lui qui va faire la cover du prochain EP prévu pour la rentrée !
Trip-Hop.net : La place du visuel a de plus en plus d'importance pour se démarquer ?
LC : Oui, mais là, c'est avant tout de l'amitié ! C'est un collègue !
D : On ne bosse qu'avec des potes : le régisseur lumière, le régisseur son...
LC : Quand le visuel déchire, les gens sont plus enclins à aller cliquer sur le son... Et puis cela va nous permettre avec Kanellos de faire des T-shirts, voilà... On reste en famille !
Trip-Hop.net : En parlant famille, comment avez-vous rejoint le berceau JFX ?
LC : Notre ancien manager travaillait chez Jarring. Du coup, on a rencontré toute la bande ! On avait sorti un son, Insomnia, qui figure sur une compilation gratuite du label. Ils ont monté une antenne booking, qu'ils ont ensuite séparé du label et qu'on a intégré il y a à peu près six mois.
D : Tu vois tout de suite la différence quand tu as un booker, avec une équipe de professionnels derrière ! Notamment en terme de nombre de dates et sur des plans nettement plus intéressants, des événements plus populaires, des festivals, des endroits où notre musique a un vrai impact sur les gens... On se fait vraiment plaisir !
Trip-Hop.net : Au niveau des projets, vous avez des collaborations en vue ?
LC : Il y a des collaborations... secrètes... Euh, en fait elles ne sont pas du tout secrètes, c'est juste qu'on est pas sûrs de les sortir ! (rires)
D : Notamment une collab avec un mec qui fait du hip hop sur Lyon... On ne donnera pas de nom, mais Anton, si tu nous lis, on attend toujours ton retour sur l'instru qu'on t'a envoyé !
LC : Egalement une collab avec un groupe suédois de hip hop, Trainspotters... On aimerait se rencontrer pour faire un feat ; cela fait un an et demi tout de même, mais ce n'est pas facile ! En théorie, on doit les voir avant décembre pour poser un truc, qui sortira peut-être... En 2018 ?
D : Et Mister B aussi, un mec qu'on a rencontré au Festival d'Edimbourg il y a deux ans : on a squatté trois jours ensemble dans le même appartement. Il fait une espèce de hip hop avec du banjo, délirant ! On lui a proposé de poser du banjo sur des morceaux...
Trip-Hop.net : Avez-vous des side-projects ? Hier, j'ai vu passer sur facebook "un mix qui tâche" de Larry Coon...
LC : oui, c'est un autre style (rires), quelque chose que je vais essayer de faire tout seul, mais pareil, niveau temps, je ne sais pas comment je vais m'en sortir ! Il y a des sons que je commence parfois, qui sont vraiment trop vénères, avec des basses, assez sombres... Si on le sort sur AlgoRythmiK, ça va faire le grand écart. Donc je mets tout cela de côté, l'idée étant aussi de les finir un jour ! C'est plus un projet pour diffuser au compte goutte, pas forcément vocation à le faire sur scène... Le jour où j'aurais vraiment de quoi jouer, on verra, mais je pense que je serai déjà vieux ! (rires). Ca s'appelle Stunt, voilà...
Trip-Hop.net : Vous avez une affection particulière pour le Muppet Show ?
D : C'est notre premier son !! Et un jour on s'est dit que ce serait cool de mettre des masques en le jouant... On est allé voir sur internet des masques aux Etats-Unis qu'ils ont galéré à nous envoyer, ça nous a coûté une fortune ! Tous les gens nous demandent en concert de leur refiler, mais on ne peut pas ! Bref, ça fait un élément scénique facile à organiser aussi...
LC : Ou tu fais chou blanc ce jour là, car dans le public, il n'y en a plus trop qui connaissent le Muppet Show... (rires)
Trip-Hop.net : Les hauts de forme et les chemises à jabot font aussi partie du décor...
LC : A la base, on avait beaucoup de sons avec du jazz, donc les costumes et les chapeaux, c'est marrant, c'est dandy... Finalement on les a gardés, on aime bien, ça crée une identité visuelle... Les chemises à jabot, c'est ma belle-soeur qui les a faites... Mais bon, on nous fait pas mal de reproches concernant nos costumes, comme quoi ça fait kitsch...
Trip-Hop.net : Ah bon ? Je trouvais que ça donne un petit côté gentlemen...
LC : Merci...
D : Après, chacun ses goûts : le chapeau, c'est notre logo aussi ! Pour l'instant, on le garde, peut-être qu'on changera un jour... Nouveau live pour AlgoRythmiK d'ici 2020 ? (rires). Sans blague, il faut proposer un live qui reste efficace et cohérent avec notre image, cela ne sert à rien de basculer sur un truc pas très fiable...
LC : Et au niveau live, on est assez opposé au show video ; c'est un choix, on préfère jouer avec les lumières...
Trip-Hop.net : Quel artiste recommanderiez-vous actuellement aux lecteurs de TH.net ? Ou un album spécial, quelque soit le style ?
LC : Il y a ce type, qui n'a fait qu'un seul morceau, mais super bien produit : Steelan. Mais attention, c'est assez sombre, noir, au rythme du hip hop. Pour les gens qui ont déjà mis les doigt sur Ableton, ça vaut le coup d'essayer pour comprendre qu'il leur faudra encore dix ans pour atteindre ce niveau...
Et puis le dernier titre sorti par Jurassic 5... Et en trip-hop, Mat3r Dolorosa, un très bon pote à nous !
D : C'est difficile, j'ai plein de choses en tête... Le dernier truc qui m'ait fait tripé, en terme de musicalité, ce n'est pas un album, mais un live que j'ai vu : les Dirty Honkers qui sont passés au Karnaval Humanitaire cette année à Lyon... En live, ça déchire, ils ont un sacré tonus, un bon jeu de scène, du coup, tu n'écoutes même plus la musique, tu regardes le spectacle ! En fait, je préfère les lives plutôt que d'écouter du son : il y a des choses que tu n'écouterais pas chez toi, et en live tu vas complètement triper : à l'inverse, il y a des musiques auquel le live n'apporte rien... De toute manière, j'aime la scène, j'aime être sur scène et c'est certainement pour cette raison que je préfère regarder et écouter du live...
Trip-Hop.net : Trip-Hop.net fête ses 15 ans : est-ce qu'un webzine comme le nôtre a encore sa place avec les plateformes de streaming ou les réseaux sociaux ?
D : Oui, sinon on ne répondrait pas à tes questions ! (rires)
LC : Un webzine te permet de trouver toutes les infos au même endroit, c'est compliqué aussi de suivre tous les artistes qu'on aime... Bon, tu as peut-être des chaînes youtube qui font cela maintenant, mais il te manque la description des albums, du style...
D : Et des webzines comme le vôtre, cela permet de continuer à parler de groupes pas forcément populaires ; après tout, ce sont toujours les mêmes artistes, les plus connus qui sont sur les plus grosses scènes des plus gros festivals... Par le webzine, tu fais des découvertes de fous, par hasard, en écoutant un morceau, puis tu vas aller voir le live si ça ne passe pas loin... Le jour où il n'y aura plus de webzines, il n'y aura plus que des groupes hyper populaires, que du business et plus tellement de plaisir pour les gens qui essaient de diffuser leurs sons...
LC : Il faut continuer !
Trip-Hop.net : Et puis les interviews permettent de rencontrer les artistes : on ne fait pas que référencer des albums, on s'intéresse au côté humain aussi...
D : C'est ça, le côté humain... Et au moins avec nous, tu as accès au backstage de la Cabane... Et à la tireuse à bière !
LC : La convivialité, quoi !