Trip-Hop.net : Que signifie le nom MIG ?
Djazia : ça a un sens mais on ne le dit pas, parce qu'on veut garder le sens des initiales secret pour pas qu'on nous appelle autrement que par MIG.
Trip-Hop.net : Vous avez une multitude d"influences, croisées anglais-arabe-français, des Red Hot Chili Peppers à Bob Marley, vous avez plein de références, allant même jusqu'aux Fugees ( Djazia : Ah !)... même à Morcheeba, où Skye s'apparenterait à Djazia aisément. D'où viennent ces références, viennent-elles de vous 3, comment les combinez-vous ?
Mat : c'est justement qu'on a chacun d'entre nous des cultures et des parcours musicaux différents qu'on essaie de tirer de ça une richesse et une diversité dans nos écoutes. Chacun d'entre nous amène ses influences et sa culture dans le projet MIG en fait. (Trip-Hop.net : les tiennes par exemple ?) C'est très large. Ca va de la chanson française, du Brassens, des choses comme ça, du classique, ça passe par Zappa en rock, ça passe par de la musique traditionnelle aussi, qu'elle soit indienne, moyen orientale... ça passe par plein de choses, de la trip-hop, de la jungle, sans étiquette particulière. Pour préciser, sur l'album on a travaillé avec un guitariste qui s'appelle Stracho (Temelkovski, ndlr) et qui lui est d'origine Macédonienne et qui a amené toute cette influence des Balkans qu'on peut retrouver sur le disque.
Piero : Pareil. Ca dépend des périodes et des rencontres aussi. Ca a été souvent : tu rencontres une personne, elle est à fond sur tel artiste et puis je découvre ça avec elle. On écoute aussi pas mal de choses ensemble, mais ça correspond à des périodes : on a eu une période Björk quand on est allés la voir à l'Auditorium à Lyon ; sur cette période là on a été vraiment à fond là-dessus. Et puis après ce fut le tour de Nusrat (Fateh Ali Khan, ndlr à décourvrir l'album : "Mustt Mustt"/2000, Real World, certains titres furent repris par Massive Attack et Asian Dub Foundation)... et Smoke City, vraiment mon disque de chevet. Ce sont des périodes... J'écoute pas mal de radio aussi. Je zappe, je suis dans ma période France Culture à mort, et comme c'est en grève en ce moment, ils ont un playlist impressionnante... on peut passer d'un morceau de classique à un d'électro... J'aime.
Djazia : J'ai pas spécialement un courant dans lequel j'ai spécialement baigné. Je ne suis pas une professionnelle de tel style ou tel autre, mais j'ai eu ma période reggae. Le fait d'avoir joué avec des groupes m'a permis de faire des reprises de Keziah Jones, des Fugees, de soul... On a écouté du Erykah Badu, des groupes de ragga, des sons, des ambiances, une grande période Björk, pas mal de traditionnel Marocain en particulier, Afrique Noire, en particulier du côté Gnawi, du fait d'avoir joué aussi avec Gnawa Diffusion. Il y a le côté un peu "arabe' et on essaie un peu tous aussi de se tourner vers des influences Africaines. Notamment avec Rokia Traoré (ndlr : dernier album : "Bowmboï", 2004/Indigo) du Mali... Comme disait Piero, on a des périodes...
Mat : En fin de compte, on est aussi influencés par d'autres choses que la musique... c'est-à-dire que le cinéma ou un livre ça peut t'influencer. Je pense notamment à Kubrick... Pierrot aime énormément Kubrick, la construction de ses films peut t'influencer dans la construction d'un morceau. Nos influences musicales ne sont pas figées à un style de musique, mais nos influences (globales) ne sont pas figées à la musique tout court...
A partir du moment où quelque chose se passe et t'atteint, tu essaies de le retranscrire. ( Trip-Hop.net : Au grand désespoir de Piero, Kubrick ne fera plus beaucoup de films malheureusement...)
Trip-Hop.net : Parlez nous un peu de votre rencontre, en tant que groupe, et de Gnawa Diffusion, collectif dans lequel Djazia a eu une grande place.
Djazia : Le groupe MIG est né sur le projet d'un projet collectif Grenoblois du même nom, dont les membres fondateurs ne sont plus actuellement dans le groupe. On s'est rencontrés quand on a décidé de former ce collectif là en groupe. Avec l'arrivée de Mathieu (batteur) et Piero (bassiste), on a fait un disque assez rapidement (6 mois), on a fait quelques premières parties des Sinsemilia. On a travaillé sur "Dhikrayat " avec Stracho et Brain (mixage), avec lequel on travaille actuellement, et enfin Loul (avec qui on fait les compositions pour le prochain album). J'ai rencontré Mathieu et Piero par le biais de Mike, qui est notre manager depuis le début et ça a bien accroché depuis ! ( Trip-Hop.net : "Merci Mike !) Oui merci Mike ! pas que pour ça d'ailleurs. Ca fait 3 ans et on est toujours ensemble... On s'est rencontrés en Août 2000.
Trip-Hop.net : Comment fonctionnez-vous sur l'écriture, la composition ?
Djazia : Alors tout le monde compose dans le disque, il n'y a pas une personne exclusive. Je compose les textes en anglais, à part un sur "Dhikrayat' ("Leaving Beth ") Gael Chatelain qui était là à l'époque du collectif. Il y a un autre auteur qui s'appelle K.S et qui a composé les textes en arabe et en français ("Au Nord de mon enfance', "H'djendjell', "Antipodes', "Dhikrayat' et "M'Nama'). Par rapport à la création artistique, on fonctionne beaucoup par échange : Piero ou Mathieu ramène des idées (sur les instrumentaux), et dès qu'on a un début d'idée, on entame et on s'échange des versions de la chanson. Aussi bien en voix-guitare à un moment donné, par la suite basse-batterie,... on travaille aussi sur ordinateur, ce qui facilite vraiment les échanges et transferts d'informations. On maquette directement sur ordinateur, on pose les idées directement et toutes ces idées on se les transmet... pour tout faire évoluer. Une version peut mettre quelques mois avant d'aboutir, parfois beaucoup plus rapidement. Ca permet à tout le monde de poser ses idées... même si certaines fois ça met un certain temps... On va passer à une phase où l'on va aller directement, avec Brain, à une étape de composition - réalisation simultanées. Autant que possible.
Mat : Chaque morceau a son histoire propre, sa propre construction. Chaque morceau a son histoire. Ce sont nos morceaux à tous. Ce n'est pas forcément moi, en tant que batteur, qui vais imposer ma ligne de batterie sur le morceau, ça peut être un autre instrumentiste. Ca peut être très intéressant de voir un autre joueur donner une idée, même si ce n'est pas son instrument. Généralement, on met beaucoup de choses, et puis au final on en retire énormément, pour arriver à l'essentiel de l'émotion que l'on veut procurer pour un morceau. ( Trip-Hop.net : c'est très curieux et démocratique tout ça... personne ne dirige le groupe à part entière alors... ?) Oui c'est ça.
Trip-Hop.net : En tant que mélomanes standards, nous avons vu pas mal de choses sur vous ces derniers temps... pas mal d'encarts, émission TV (CD Aujourd'hui très bien mais toujours trop court), sélection "attention talent !' Fnac... Comment vous vous sentez par rapport à la sortie de cet album, qui - rappelons le - est déjà sorti localement à Grenoble en 2003 ? Vous avez un certain recul non ?
Piero : Pour nous Dhikrayat est sorti il y a un an environ, à Grenoble... On a directement travaillé sur un troisième album. Avec la sortie nationale de Dhikrayat, on a eu tout un début de promo, et du live, on est donc revenus et on a fait une petite pause sur le travail du 3ème album. Ca nous permet surtout aujourd'hui de profiter d'un contexte qui est vivant, une sorte de dynamique très importante pour nous. Il nous faut réfléchir sur beaucoup de choses beaucoup plus vite, et sur un laps de temps très court. C'est une bonne période pour avancer. On a beaucoup de travail sur le live, on se pose des questions qui n'étaient pas jusqu'à maintenant prioritaires... Mais on reste aussi sur la préparation du 3ème...
Trip-Hop.net : en termes d'impact, qu'espérez-vous ?
Piero : Personnellement, j'ai déjà vécu une sortie de disque et d'être en attente, avec le risque d'être déçu si tu es trop optimiste. Dans notre cas, vu que l'album sort nationalement aujourd'hui, ce n'est que du bonus ! Je suis content qu'on ait du recul sur cette sortie, d'être déjà intéressé sur le prochain projet.
Djazia : C'est vrai qu'on s'est beaucoup calmés quelque part. On garde les pieds sur Terre par rapport à tout ce qui vient maintenant parce qu'on est déjà dans une autre dynamique même si on profite de tous les retours actuels, très encourageants. On reste tranquilles et on continue notre bout de chemin...
Trip-Hop.net : Partons plus en profondeur sur l'album lui-même... Nous avons écouté, lu, la plupart du temps, c'est quand même sacrément nostalgique ce que vous racontez. On parle de lieux, de sentiments, c'est rarement optimiste, est-ce lié à une chose en particulier ou juste une étape... ?
Djazia : Le parolier qui écrit les textes (K.S) est très proche de moi... et écrit donc beaucoup en fonction de mon histoire, de mon parcours. J'ai remarqué a posteriori le contenu des textes et les liens qu'il y avait parfois entre eux. Comme tu disais, les thèmes souvent abordés sont le voyage ("Antipodes' et d'autres morceaux sur l'Algérie), la nostalgie... c'est très souvent mélancolique. On parle beaucoup du passage entre l'âge enfant et l'âge adulte, qui constitue pour moi un vrai choc, un réel déchirement. En toile de fond, mon passage de l'Algérie à la France, même si j'étais à jeune, reste une cassure marquante. Ca fait partie de moi. Mon enfance en Algérie m'apparaît souvent comme un rêve, comme quelque chose d'irréel, comme si je l'avais vécu sans vraiment l'avoir vécu... d'autant plus à mon âge maintenant où je suis un peu dans un "entre-deux'. Je parle beaucoup de moi là, mais c'est vraiment ça. Par rapport aux textes, il y a beaucoup de références à des lieux, notamment Alger (pays de mon enfance), au passé, forcément ("Dhikrayat' veut dire "les souvenirs'), et de cette douleur, cette prise de conscience qu'on rencontre tous dans nos vies un jour ou l'autre. C'est le fait d'ouvrir les yeux sur son parcours, sur son histoire, sur ce qui nous entoure... de se demander "où vais-je ?', de se placer dans un monde peut-être pas facile...
On vit également dans un monde d'information, l'actualité arrive à nous sans même qu'on le veuille, on ne peut pas se voiler la face, ne pas voir certaines choses... Il est très rare, quand tu y réfléchis de lire ou d'écouter des auteurs sur des choses gaies... c'est souvent le triste, le marquant qui l'emporte.
Je n'écris pas forcément pour écrire... j'ai été amenée à écrire parce que j'ai fait de la musique. Mon but premier était de chanter. Le texte devient un outil pour chanter. Au départ j'appréhendais vraiment le texte en tant que "matière'. Petit à petit, j'y ai pris goût, je suis rentrée dans le jeu, même si je ne suis pas quelqu'un qui a besoin d'écrire (comme d'autres, qui se baladent avec un calepin pour noter leurs idées plusieurs fois par jour, de peur qu'elles partent) j'ai juste besoin d'être dans un moment où j'ai besoin de dire. J'essaie autant que possible de ne pas me trouver des thèmes pour écrire... J'essaies d'utiliser ce qui fait partie de moi et vraiment d'exprimer ce que je ressens, parfois c'est tout simple... le but n'est pas de faire passer de grandes idées, même s'il peut y avoir des messages là-dessous
( Trip-Hop.net : " Sad Society Song ", ça c'est un message...)
Oui c'est une vision très pessimiste du Monde et de l'Humanité. J'ai été vraiment beaucoup blessée par ça... Des gens me disent qu'il ne faut pas être pessimiste, moi je le suis sur cette vision que j'ai du Monde, des fois ça me met dans des états...
Il n'y a pas que moi qui écris des textes. La personne qui écrit en arabe et en français est suffisamment proche de moi pour avoir la possibilité de retranscrire un certain nombre de sentiments et de vécu. C'est une chance de l'avoir... car il n'écrit pas des choses différentes, dans le fond, de ce que j'écris.
Mat : Je voulais ajouter qu'il y a une corrélation dans les thèmes abordés, dans les textes et dans la musique et dans notre façon de jouer, c'est le voyage. Que ce soit un voyage dans le passé (de mon enfance, Sud et Nord de la Méditerranée), dans des influences (voir plus haut), on essaie d'avoir ce côté cyclique qu'on retrouve dans la musique et dans les textes. C'est un idée de mouvement, de faire des choses imagées, sans prétention poétique, sans dénoncer des faits crus, du même fait sans dire des choses crûment dans la musique, mais plutôt de donner des images et après que chaque auditeur puisse se l'approprier et qu'il puisse y trouver ce que lui veut y trouver.
Trip-Hop.net : Comment percevez-vous les critiques que l'on peut faire sur votre musique (presse...) ?
Djazia : A l'heure actuelle, on n'en est pas encore au stade où on en a fait tant que ça... On a surtout reçu des retours plutôt positifs... Tu sais, quand on n'est encore un groupe en développement, les gens que ça n'intéresse pas ne prennent pas (je suppose). On verra donc pour le 2ème disque (à grande échelle). Pour l'instant on a vraiment eu des super retours, mais aussi des retours de gens qui n'aiment pas notre style. Actuellement, je remets en question ce qu'on a fait à un moment donné, et c'est pour ça qu'on fera un autre disque, pour dépasser un album, pour faire des choses différemment, il y a pas une remise en question générale pour chaque production, même si cette remise en question n'est pas totale. D'autant plus, je trouve qu'il est plutôt sain d'avoir des retours de gens qui n'aiment pas... On ne peut pas être aimés de tout le monde, et je crois tant mieux, ça laisse la discussion ouverte, et nous ne somme pas arrêtés. On ne se dit pas : " "Dhikrayat' c'est LE truc, et that's all. " Pour nous c'est un moyen de se renouveler, de continuer cette ligne droite, qui avance. Un album n'est pas une finalité... C'est toujours intéressant les retours...
Et puis quand tu as un recul par rapport à ton album, c'est encore plus facile à accepter.
Quand on fait de la musique dans la durée, on peut tout remettre en question.
(Trip-Hop.net : Vous les prenez à coeur ces critiques ?)
A voir... j'ai conscience de ça, je pense qu'il ne faut pas se laisser déstabiliser. Ca veut dire qu'on s'est laissés aller dans le superficiel. Il faut rester dans l'essentiel, dans ce que l'on aime faire.
Trip-Hop.net : Vous-même, vous lisez les chroniques musicales qui sont faites sur les autres groupes ? En tenez-vous compte ?
Mat : Les critiques d'albums, c'est un bon moyen de s'informer sur ce qui est sorti. Après, chaque personne se fait sa propre opinion. C'est très subjectif. C'est vrai que telle critique positive peut me donner envie d'aller acheter / écouter tel disque... ( Trip-Hop.net : Ou pas !) Pas forcément, si toi-même tu connais déjà l'artiste, selon ce qui est dit et sans l'avoir écouté, tu peux en tirer certaines conclusions... donc c'est au cas par cas. C'est un bon outil d'information, mais chaque personne doit faire le chemin de l'écoute et se faire sa propre opinion sur ce qu'elle écoute.
(Trip-Hop.net : donc une critique négative ne t'enlèvera pas l'envie d'écouter un disque ?)
Ouais ça peut être un groupe que je ne connais pas du tout, mais une critique négative me donne envie d'aller écouter. D'une manière générale, par rapport à la musique, quand je découvre quelque chose de nouveau, c'est plus une personne qui me connaît qui m'en parle... et je sais que cet ami aime déjà, donc je saurai si ça va m'intéresser ou pas...C'est plus par les gens que je connais concrètement, des fondus de musique, que par des critiques des Inrocks (parce que c'est les Inrocks, etc.) que je ferai mes choix.
Trip-Hop.net : Vous êtes avant tout un groupe de scène (20 dates en 2003), qu'est-ce qui diffère entre l'album et la scène ?
Mat : En ce moment, on est très axés sur le nouvel album et sur la scène et l'adaptation de "Dhikrayat' sur scène, il y a des choses qui sont annoncées plus franchement sur scène, musicalement parlant, on va plus entremêler les choses sur un album, et ne pas énoncer ce qu'on a envie alors qu'en live on y va plus franchement, dans chaque intention et on va le plus loin possible. Sur scène, ce qui est bien, c'est que c'est un travail qui est perfectible. D'un concert à un autre, on peut essayer d'aller de plus en plus loin. C'est une approche très différente de l'album, mais qui est très intéressante aussi, pour nous.
Trip-Hop.net : Justement, tu dis que le concert est perceptible, est-ce que la façon dont vous jouez les morceaux évolue beaucoup ?
Mat : Ca dépend... On peut jouer les mêmes parties, mais avec une autre intention. On peut jouer en allant encore plus loin dans cette même intention... le morceau, d'un concert à un autre, peut-être transformé. Après, il y a des adaptations de structure qui sont faites sur scène, mais là encore ça dépend des morceaux... Et j'y arrive de nouveau, mais sur chaque concert, on essaie de faire un mouvement de "voyage' donc on s'attarde plus ou moins sur tel ou tel rivage, qui ne sont pas forcément les mêmes que sur un album. Dans ce sens là, ça peut évoluer d'un concert à un autre... c'est-à-dire qu'on essaie d'enregistrer les concerts, on écoute, on fait des remarques et on adapte...
Trip-Hop.net : Vu le métissage que vous avez actuellement (cf premières questions), avez-vous un genre vers lequel vous vous voyez plus évoluer, sur lequel vous insisterez peut-être plus sur le prochain album ?
Djazia : L'intérêt d'un album, pour nous, c'est qu'on n'a pas forcément une idée précise de là où l'on veut aller... On passe forcément par une phase où l'on écoute beaucoup de choses, avec des idées qui ne se concrétiseront pas, et d'autres oui. C'est pour ça que sur Dhikrayat, on a des titres qui ont des différences de couleur, on peut passer d'un morceau à tendance soul, à un morceau plus froid ensuite. Un morceau, dans sa phase de composition, peut complètement basculer d'un état d'esprit à un autre, surtout si elle est longue. Le disque n'est pas connu à l'avance, on n'affirmera pas volontairement une couleur pour le prochain album. On essaye mais on ne sait pas trop où on va... On ne veut pas aller à certains endroits, et ça se sent dans la finalisation.
A l'heure actuelle, sur le prochain album, on a envie de faire encore des essais (on travaille sur machines, ce qui offre énormément de possibilités) et on est dans cette phase de recherche. On se cherche. Le prochain album garde cet esprit de cohérence, on ne veut pas s'embarquer trop non plus. Sur certains titres par exemple, qui peuvent avoir la même recette de construction, on va peut-être au dernier moment changer la recette d'un des morceaux... pour permettre une diversité, même si nous voulons que l'ensemble réponde à une certaine homogénéité, à une certaine cohérence, et ça ça passe par le son. C'est pour ça qu'on travaille avec Brain à la réalisation.
On essaie pour l'instant de s'ouvrir à des musiques plus "traditionnelles' j'entends musique africaine, mais timidement. On en consomme, et on veut en mettre dans nos créations, mais en petites doses, pour ne pas foncer dans quelque chose de complètement différent de ce que l'on a fait jusqu'à maintenant...On garde une base, dans l'esprit trip-hop. Machines, sons...
Mat : On travaille aussi pas mal par l'accident qui peut arriver sur ordinateur... un bug peut donner une nouvelle direction. On ne veut pas se figer en se donnant une direction et une obligation de résultat à l'arrivée. On se laisse guider et on veut se laisser toujours des portes ouvertes à mesure que les compositions avancent, pour faire un choix. On se laisse nous-mêmes les premiers surprendre par la compo d'un morceau.
Trip-Hop.net : Est-ce que vous arrivez vraiment bien à définir précisément le moment où un morceau est fini, ou lorsque vous les réécoutez, encore maintenant, vous vous dites que vous auriez pu les faire autrement... ? surtout avec les machines, ça renforce encore plus les difficultés, puisque tout reste ouvert jusqu'au bouclage... ?
Piero : Comme disaient Mat et Djaz, on ne se ferme pas et ça peut partir dans tous les sens, il y a des morceaux de "Dhikrayat' qui ont existé en plus de 80 versions (un truc de fous). Nous on a du mal à finir les choses, on l'a vu sur "Dhikrayat', ça a été un album long à faire... Mais il y a Brain. Il fait plein de choses et a un recul sur l'ensemble. C'est un échange entre lui, qui a du recul (on le sait) et nous. Mat et moi sommes autodidactes dans la musique, et comme dit Djaz on n'a pas d'idée précise sur où nous allons... mais Brain + nous, on se rejoint sur la sensation. On passe par plein d'étapes, on s'intellectualise, on réfléchit, on associe... mais quand ça le fait, ça le fait ! Quand ça le fait pas, on discute. Quand ça le fait, il n'y a plus de discussion. Et Brain a ce côté très étonnant de travailler à la sensation, bien qu'il soit derrière ses boutons et sur des mathématiques. Pour nous, être avec ce mec, pour répondre à ta question, c'est très confortable.
Djazia : N'ayant pas de "réalisateur' dans le groupe (on travaille ensemble), la présence de Brain est encor plus précieuse... D'autant plus qu'en même temps, il réalise, il fait le son, il fait des prises, il mixe... c'est un mec terrible. Je pense que c'est quelqu'un qui va exploser à un moment ou à un autre. Je dois dire qu'on est contents de l'avoir eu avant tout le monde (rires).
Mat : Et on a de la chance d'avoir la scène pour bouger tel ou tel morceau... c'est un élément important dans le processus.
Trip-Hop.net : Vous savez avec qui vous allez faire le prochain album ? Integre / Sop Music en prod et BMG en distrib comme pour "Dhikrayat' ?
Djazia : Oui. Et plus si affinités (rires).
Trip-Hop.net : On adore votre pochette. Est-ce que l'aspect visuel vous touche ? Vous travaillez dedans aussi (clips, photos, etc) ?
Mat : On a la chance de travailler avec un graphiste qui s'appelle Arnaud Jarsaillon, sui est aussi musicien et que nous connaissons depuis le début de l'histoire. Il a énormément de talent, on est très proches, et on a des univers proches aussi. C'est une partie prenante du projet, au même titre que la musique.
Trip-Hop.net : Votre rêve musical ?
Djazia : Björk en Islande. Mais c'est un peu lunaire ce que je dis...
Mat : Ouais moi ça me plairait énormément d'aller jouer avec Björk en Islande avec Djaz... et puis après d'aller faire un petit tour en Inde avec quelques maîtres des tablas.
Djazia : J'irais bien en Algérie... mais avec personne, spécialement.
Mat : Moi j'y vais avec toi !
Trip-Hop.net : peut-être Bob non !?
Djazia : Si c'est avec Bob Marley, je veux bien, s'il a les clés du Paradis...
Trip-Hop.net : Un message pour ceux qui téléchargeront votre album ?
Mat : C'est dommage.
Djazia : Ils n'auront pas l'objet, et l'objet est joli...
Mat : C'est dommage... parce que c'est un travail autant visuel que musical... et puis notre but n'est pas de s'enrichir et d'acheter une piscine ou une voiture, mais bel et bien de continuer à faire de la musique, et de pouvoir continuer de proposer aux auditeurs des émotions et des voyages... A force de trop télécharger...
Trip-Hop.net : Un message pour tous les gens qui vous suivent depuis le début sur Trip-Hop.net ?
Djazia : Je voudrais juste dire qu'il y a une chose qui me trouble en ce moment, c'est le retour des gens. On a eu des messages nombreux sur notre site dernièrement, et j'ai été particulièrement touchée par cette idée assez étrange de faire quelque chose (nous) et de s'apercevoir que l'on peut toucher des gens que l'on ne connaît absolument pas... et qu'ils nous écrivent, ça me met vraiment dans un état, hallucinant. On voit beaucoup de gens que l'on ne connaît pas, on est des milliers à vivre les uns à côté des autres sans jamais se parler, on n'est pas proches, on se croise (notamment sur Paris), et là, avoir des retours aussi sincères, c'est grandiose. Ca m'a sciée...
J'espère que je garderai cette sensation, toujours, et que je ne l'oublierai pas. J'espère que nous continuerons à avoir des retours aussi ! Ecrivez-nous sur le site !
C'est vraiment géant de voir que des gens s'intéressent à votre travail de création.
Piero : Il y a vraiment un côté intime... Je suis un peu récent sur Internet, mais le fait de pouvoir laisser un message à toute personne qui s'expose et qui laisse une porte ouverte, c'est géant. Vous qui tenez un site (j'ai visité), vous voyez bien l'accès direct entre des gens...
Mat : Je leur dirais de continuer d'être curieux, de chercher, de rechercher, plutôt que d'attendre et de se gaver par la télé de ce qu'on veut bien les matraquer.