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Tout commence avec le souffle du vent et le bruit lointain de l'eau qui ruisselle, quand les premières lueurs de l'aube frémissent à l'horizon : s'élèvent alors les notes incroyablement pures d'une trompette, solitaire et lumineuse, celle du suisse Erik Truffaz, sublime prélude d'un album marquant une nouvelle collaboration avec le compositeur mexicain Murcof. Délaissant le désert et le soleil brûlant de Mexico (sorti en 2008), les deux musiciens se sont inspirés des images et d'un scénario d'Enki Bilal, génial dessinateur à l'univers trouble et fantastique, auteur par ailleurs de l'artwork, magnifique, de Being Human Being, pour composer cette bande originale ensuite jouée lors de concerts visuels, où les trois artistes ont mélé leur talent sur scène.

Même sans la chance d'avoir assisté à une de ces (rares) prestations live, comment ne pas être frappé par la beauté sauvage et ténébreuse de cet album qui s'écoute d'une traite, nous plongeant, dès Origin of the World, dans un monde fascinant, âpre, teinté de bleu et éclaboussé de rouge ? Car la grande puissance de cette bande originale est son formidable pouvoir d'évocation, ou l'art et la manière de revisiter le graphisme éblouissant de Bilal par imaginaires interposés (*), les personnages de ce dernier surgissant entre les nappes électroniques sombres de Murcof et les cuivres appaisants de Truffaz. Impossible de ne pas ressentir l'angoisse et la tension d'une intrigue naissante tout au long des quinze minutes de Warhole, véritable morceau d'anthologie qui retentit comme une marche martiale hypnotique où l'étreinte de la nuit laisse enfin place à un rayon de lumière sur Hybridation... Le paradis et l'enfer n'ont jamais paru aussi proches. Des visages à la peau translucide et aux traits saillants, dont le regard hanté en dit long sur leurs tourments, leurs regrets, leurs trahisons, leurs quêtes ou leurs cauchemars, défilent sous nos paupières, car ce sont les yeux fermés que l'on ressent le mieux la présence et la force de ces héros aux corps pâles et frissonnants - tour à tour ou en même temps - de peur, de rage ou de sensualité. Et que dire de cet interlude miraculeux de The Eye, sinon qu'il constitue un instant unique de plénitude totale ? Pour repartir ensuite à l'aventure, la gorge et les poings serrés, sur Human Being, course poursuite haletante vers le dénouement final d'un album qui s'offre la magie mélancolique d'un violoncelle (Skin) avant de s'achever dans les vapeurs lointaines et métalliques de Infinite Abstract.

Il est des musiques qui vous mettent à genoux. Non par contrainte ou soumission aveugle, mais par révérence, tout simplement, comme la reconnaissance d'une grâce infinie, d'une parenthèse merveilleuse. Le silence ému qui suit naturellement les derniers moments de Being Human Being ne fait que révéler l'évidence : vous venez d'écouter un chef-d'oeuvre.



(*) Chacun pourra construire son propre scénario, en lieu et place de celui initialement proposé par Bilal lors des concerts graphiques... Pour ma part, c'est l'album Partie de Chasse qui m'accompagne à chaque écoute...

Lacar

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