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S'il y a bien une personne à laquelle je peux faire confiance en matière de blues et de jazz, c'est mon père. Pour situer l'individiu, précisons juste, qu'à presque 70 balais, il continue d'écumer (avec ma mère qu'il n'a pas eu trop de mal à convertir) les festivals de Boogie Woogie dont il demeure un fan inconditionnel... Et qu'il conserve pieusement, telles de saintes reliques - et avec le tourne-disque d'époque, s'il vous plaît - quelques 78 tours de Meade Lux Lewis (pianiste mythique du genre) sauvés de la benne à la cité U, alors que ses contemporains se jetaient sur les vinyles, comme la jeunesse actuelle sur les plateformes de streaming. Si le Paternel, donc, déclare aux premières mesures du nouvel EP de ProleteR, "c'est pas mal...", alors un article paraît tout indiqué. Parce que Rookie EP, pour une chroniqueuse élevée au rythm'n'blues, Fats Domino en tête, et autres choeurs de gospel, c'est un peu une madeleine de Proust enrobée de beats, de basses et de scratches.

ProleteR en a parcouru du chemin depuis Curses From Past Time sorti en 2011, dans lequel la rédaction entrevoyait déjà tout le potentiel de l'artiste. Le public ne s'y est pas trompé, tout comme Parov Stelar dont il a déjà fait la première partie en 2013. Le toulousain continue aujourd'hui sur la lancée de Feeding the Lions et Tribute to the Masters en sélectionnant des classiques du jazz et du blues pour les revisiter à sa manière : on reconnaîtra Where Can I Go de Ray Charles (No Place to Go) ou l'interprétation par Ella Fitzgerald de My Melancholy Baby, standard de la chanson américaine écrit il y a plus d'un siècle, sans oublier la trompette de Henry "Red" Allen et le saxophone de Coleman Hawkins "the Bean" dans the River's taking Care of Me, autre succès des années 30 (By the River). Mais limiter le travail de ProleteR à un quelconque remixe ne lui rendrait pas justice : se transformant à lui tout seul (ou presque avec son complice DJ Vega) en big band percus, cuivres et cordes confondus, il varie les plaisirs en invitant sa guitare manouche sur Not Afraid et My Melancholy Baby. Poursuivant son périple au coeur des musiques noires, il embrasse le hip hop avec l'excellent emcee Taskrok sur Throw It Back, puis Inna au parfum de Miss Chang des Chinese Man, pour finir avec un morceau beaucoup plus funk qui aurait décidé de flirter avec le disco des BeeGees (Stereosun). Le beatmaker, dont les textures sonores se sont enrichies, a pris de l'assurance : les compositions ont gagné en rondeur et en délié, même si on regrettera parfois, tout comme pour Parov Stelar d'ailleurs, des conclusions un peu trop abruptes, ou qui manquent d'éclat.

Reste que ProleteR nous embarque dans une série de samples carrément efficaces, en leur redonnant un p'tit coup de groove sur un tempo irrésistible : voilà un exercice rafraîchissant et réjouissant pour effacer la grisaille de l'hiver le temps de ces huit titres... Rookie EP ou autant en emporte le swing !

Lacar

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