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'La mauvaise humeur, c'est le réveil qui sonne toujours trop tôt
Le mal à la gueule et son goût de mégot, j'ai plus la gaule le matin mais ça m'est égal
C'est la douche qui brûle et le café tiède dans la bouche, c'est mon putain de pied gauche
Et l'odeur trop familière de ces journées fragiles où tout a l'air moche.

La mauvaise humeur, c'est le découvert glacial au premier du mois
La déformation faciale au rencard Pôle Emplois, quand le carrelage est froid sous les pieds
C'est les chiottes qui rendent l'âme et la vaisselle sale dans l'évier
C'est le courrier sans carte postale, le mal au crâne et les douleurs intercostales.
...
La mauvaise humeur, c'est qu'aujourd'hui j'ai rien de prévu
Hier j'avais rien de prévu et demain non plus, c'est le ras-le-bol de la pluie
C'est le temps qu'il fait comme le temps qui passe, la fatigue et le ciel qui pisse
Et l'impression que la jeunesse se casse sans que l'enfance ne guérisse.

La mauvaise humeur, c'est la nuit ma soeur ennemie les soirs d'insomnie
La zèremi pour marcher jusqu'au lit, la même pour fermer les cils et qu'ils restent ainsi
'J'aurai dû faire ça, j'aurai dû faire ci' et je sais que rien n'est facile
Donne moi une putain de berceuse pour enfin prendre la fuite'

Ça se déclame en mode Monsieur Saï, sur le ton du ras le bol et ça frappe à l'aide de mots forts, sans avoir besoin d'élever la voix. Ça s'accompagne d'une production racée, variée niveau sons et instruments et totalement dans le ton, percutante et sombre. Sur ce nouveau projet La Mauvaise Humeur dont voici le premier album, Monsieur Saï s'accompagne du producteur et multi instrumentiste O.S. qui relève le défi à coup de scratches, guitares, basses, violoncelle et claviers. De tous ces instrus plus quelques guests encore, il ressort un bel éventail d'ambiances même si la dominante reste oppressante: c'est sûr, Saï ne chante pas la joie de vivre, pas plus que sur Soigne tes Blessures, son précédent opus. Il exprime la nausée quotidienne, le désarroi à l'aide de tranches de vie, de métaphores et de réflexions bien senties. Monsieur Saï a le verbe sûr, et c'est dans un vocabulaire simple et cru qu'il trouve le mot qui claque, la formule juste qui va droit au but: exprimer l'authentique, le vécu. Pour l'accompagner O.S. déploie des prods qui peuvent aller d'ambiances electro-rock comme sur le premier titre, à de nettement plus soft, témoin le fluide et downtemo La Fin d'un Rêve où l'on rencontre même une voix féminine en guest - et dont le texte au passage est un petit chef d'oeuvre de poésie quotidienne - ou jazzy, comme (la seconde partie de) ce titre improbable : 'J'écoute ma vie comme le chant des coyotes à l'ouest dans les plaines', titre assez incroyable où se succèdent piano, contrebasse et sax.

Alors pour ceux qui avaient suivi on redécouvre les titres promo sortis il y a quelques semaines, Mademoiselle la Mouche avec son beat noir et lourd, cercle vicieux de lassitude et d'ennui : 'Mais voilà qu'j'parle aux insectes, désoeuvrement + solitude, ajoute un tas d'sales habitudes, avec toutes les galères de thunes des fois pour la raison c'est rude'.. Spirale du désoeuvrement toujours, plus loin sur Cacahuète: 'J'commande un troisième demi allume une quatrième clope, et cherche un sens à ces phrases myopes paumé dans un monde de cyclopes, les journées passent vides, trop ou pas assez vite', ou le très réussi Funambule qui crache en fin d'opus cette impression infernale d'avoir raté le départ.
Un désarroi éloquent qu'on se prend sans détour en pleine face, une prod plutôt down aux relents indus-rock aussi bien que jazzy: incontestablement une sortie importante pour la - petite - scène indé française, qui a toutes les chances de rester de mauvaise humeur toute l'année.

En vidéo: Mademoiselle la Mouche réalisée par JP Bouix

La Mauvaise Humeur - Le Funambule

La Mauvaise Humeur sur le label Milled Pavement

'Deux funambules avec des caillous dans les poches. 10 mots sur la terrasse d'un bistrot à Bruxelles. Des nuits sans sommeil et des blagues qui font marrer personne. L'insurrection qui ne vient pas. Et le quotidien. Pour faire court, on a décidé d'arrêter de trouver les journées trop longues et de faire le seul truc qu'on savait faire. Après ça on est à poil... et de mauvais poil.' (Back cover).

Mag

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