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Le grand nord américain. Une ville fantôme plongée dans une nuit d'hiver aussi noire que glaciale. Dans l'unique rue, au milieu des bâtisses en ruine, un feu qui crépite. Autour de lui, quelques âmes égarées à demi-mortes, Lmntl819 & Reindeer, serrées les unes contre les autres pour se tenir chaud. Prenons place, les amis. Joignons-nous discrètement à elles ; blottissons-nous aussi ; fermons les yeux et écoutons attentivement ce qu'elles ont à nous dire...
Du crépitement des flammes s'élève alors un tiraillement de cordes : un violoncelle qui sera notre guide pour les 52 minutes à venir : 52 minutes d'une intense dépression. S'en suit une série de petits récits mythologiques, angoissants et tristes. Il y est question d'anges, de Chaos, du phénix ou de la boîte de Pandore... sans la moindre place pour l'espoir. La souffrance, la maladie, la mort sont partout, derrière chaque thème, chaque rythme, chaque parole. Le flot hip-hop nasillard de Reindeer semble un prolongement évident, un écho au moindre mouvement du couple violon/violoncelle. Chaque petit son (le feu, le vent, une toux, un couteau qu'on aiguise) nous rappelle à notre condition d'homme et de femme réunis autour d'un feu, autour d'histoires pour se tenir chaud. Le tout puisant en profondeur dans quelques unes des bandes originales les plus sombres de ces dernières années. Les ombres post-rock/rock de Clint Mansell (Dead is the road to awe sur le mystique The fountain) et de Nick Cave (Moving on sur le très noir et très beau L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford) planent ainsi sur Views from the psychedelik deathcab avec force et détermination comme un charognard décrivant un cercle autour de sa proie à l'agonie. Un ensemble d'une cohérence redoutable qui s'insinue en nous sans résistance possible de notre part tant notre attention est captive des récits qui s'égrènent. Chacun d'entre eux nous prend le bide et nous triture l'intérieur pour mieux nous condamner : une fatalité. Et lorsque le violoncelle s'en retourne enfin aux crépitements du feu et que nos yeux s'ouvrent à nouveau : Lmntl819 & Reindeer ont disparu et avec eux la ville et tous ses bâtiments, nous abandonnant éviscérés et seuls, toujours blottis les uns contre les autres dans la nuit noire comme si tout cela n'avait jamais existé. Et pourtant...

Erwan

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