> Chroniques > electro-libre > Radiokijada > Nuevos Sonidos Afro Peruanos

Étrange et envoûtant ! Ce sont les qualificatifs qui surgissent à la première écoute de Nuevos Sonidos Afro Peruanos, premier album de Radiokijada. Etrange en effet ce son qui jaillit dès les premières notes, après quelques braiments, d'Intro kijada. Envoûtante aussi l'atmosphère tribale que cette intro déploie portée par une voix chamanique. Une fois les 2'22'' passées, plus de doute possible, cet album est hors normes. Mais difficile d'en définir l'origine et les influences. Et si les deux titres suivants peuvent laisser penser qu'il s'agit d'une énième composition latine, savoureux mélange de salsa, bossa et autres sonorités des caraïbes, on se fourvoie complètement.
Alors, expérimental, Nuevos Sonidos Afro Peruanos ? Pour l'oreille d'un occidental, absolument. Mais pour Rodolfo Muñoz, compositeur-percussionniste péruvien, il s'agit avant tout d'honorer ses racines et d'exhumer un passé culturel et musical longtemps occulté dans cette partie des Andes. Associé au Suisse Christoph H.Müller, l'homme-machine de Gotan Project, il imprègne ces rythmiques ancestrales d'une note électro moderne qui ne dénature en rien l'essence même des compositions issues des répertoires afro-péruviens. Sous des airs contemporains, Radiokijada est en fait la radiographie d'un passé vieux de cinq siècles, quand les premiers esclaves africains foulaient le territoire andin. Et qu'il leur était interdit de perdurer leurs rites et traditions. Métissage du moderne et de l'ancien, Nuevos Sonidos Afro Peruanos est un hommage à cette rencontre improbable entre trois cultures : hispanique, amérindienne et africaine. Comme paraissait tout aussi improbable ce mixage ethno-etnique avec des styles musicaux actuels qui se nourrissent de guitares acoustiques, de percussions, de cuivres et parfois de violons. Mais l'instrument emblématique et fascinant de cet album est le Quijada. Constitué du squelette de la mâchoire inférieure d'un âne que l'on frotte et frappe, cet instrument percussif, jamais disparu mais resté inconnu à la différence de la célèbre flûte de pan, est un héritage de ces temps d'oppression et d'esclavagisme. D'où l'explication de l'intro. Cette relecture des musiques noires du Pérou, bien éloignées du folklore de la Cordière, tout en restant marquée de l'empreinte originelle, Radiokijada réussit donc à la faire porter par un groove discret mais mordant au fil des compositions. Passée d'un continent à l'autre, et entre les mains du duo, cette musique ancestrale révèle toute sa modernité. Une expérience à vivre, et à découvrir, au moins une fois.

Stéphane

Vous devez créer un compte Mon Trip-Hop.net pour écrire un commentaire.